"
La justice argentine est confrontée à un grand défi institutionnel
qui consiste à surmonter
la crise de légitimité qui nous affecte",
ont été les premiers mots de Carlos
Rosenkrantz,
président de la Cour Suprême de Justice de la Nation
Argentine, dans son discours
d'ouverture de l'année judiciaire 2019, devant
un parterre de magistrats, d'invités et des autorités du
gouvernement, surpris par cet aveu courageux et réaliste
https://twitter.com/cijudicial/status/1108349534474784768
Mais
le président de la CSJN va encore plus loin dans l’autocritique,
devant le silence gêné du public :
https://youtu.be/ZgMpMrPtbT4,
et affirme que :
« Nous
devons comprendre qu’appartenir
au pouvoir
judiciaire n'est pas un privilège. Être juge ou fonctionnaire du
pouvoir judiciaire ne nous confère pas de droits, mais nous impose
au contraire des devoirs et des responsabilités. Le pouvoir
judiciaire est un pouvoir qui, dans chaque État démocratique et
républicain, est organisé pour fournir le service de la justice à
la communauté. Nous sommes ici pour servir les citoyens avec un
rôle
particulier
: appliquer le droit.
- En
tant que juges, nous ne devons pas rechercher le pouvoir. Comme je
l'ai dit à plusieurs reprises, je suis convaincu que la perception
que nous sommes puissants (par opposition à celle d’être juste
et droit) n'ennoblit pas, mais vicie notre investiture.
- Notre
comportement, tant juridictionnel qu'administratif, devrait être
publiquement évalué à l'aide de normes objectives. Nous devons non
seulement permettre aux citoyens et à la société civile de
contrôler ce que nous faisons, mais nous devons montrer que ce que
nous faisons est conforme à des règles claires établies à
l’avance.
- Il
est essentiel de faire le nécessaire pour qu'un pouvoir judiciaire
soit soumis à des procédures réglementées qui constituent des
normes d'évaluation objective de notre action. C’est la première
chose à faire pour surmonter la crise de confiance à laquelle nous
sommes confrontés. Mais ce n'est pas tout. Pour recouvrer la
légitimité, nous devons faire quelque chose de plus.
- La
crise de légitimité, comme je l'ai dit, est en partie une crise de
confiance et la méfiance croissante de nos citoyens à l'égard du
pouvoir judiciaire est née en partie parce qu'ils soupçonnent que
nous servons des intérêts autres que la loi. Nous devons montrer
que ce n'est pas le cas. Nous n'utilisons pas le droit mais nous
servons le droit. Nous devons montrer que nous ne sommes que des
instruments de la Constitution et de la loi. C’est ce que signifie
être juge d’une République démocratique et constitutionnelle.
Les juges doivent montrer que nous sommes réfractaires à tout
intérêt personnel, idéologique, politique et de toute autre nature
qui n’est pas l’intérêt de réaliser l’État de droit.
Cela a l'air brut, mais c'est ainsi ».
N’oublions
pas que c’est
cette
justice qui
juge
les prisonniers politiques en Argentine, ce que la communauté
internationale semble ignorer
au
nom d’un article 2 de la charte de
l’ONU
à
géométrie
variable. Les principes déontologiques et conventionnels
ne
sont pas respectés par les magistrats argentins, en toute impunité. L’OCDE,
le
27 mars dernier,
a
par ailleurs fait des (195)
recommandations
sur ces manquements
divers
qui touchent aussi à
la
justice
http://www.oecd.org/fr/presse/de-nouvelles-reformes-sont-le-prealable-a-une-croissance-plus-solide-et-plus-inclusive-en-argentine.htm
et
https://www.oecd-ilibrary.org/sites/edba8806-en/index.html?itemId=/content/component/edba8806-en
Il faut se rappeler enfin que les magistrats, ainsi que les membres du pouvoir judiciaire, ne paient pas leur impôts sur le revenu. Les juges disposent de plus en général de personnels de sécurité, de voitures de fonction immatriculées au nom du Pouvoir Judiciaire, bénéficient d’une immunité pénale illimitée pour des actes commis en dehors de leurs fonctions professionnelles1, et participent publiquement à des actes et actions politiques.
Par ailleurs, et dans cette même optique, le Collège d’Avocats de la Capitale Fédérale, dans le communiqué de presse du 28 mars 2019, http://www.cpacf.org.ar/noticia.php?id=6533&sec=8, affirme que :
-
La juridiction fédérale est devenue l'appendice
médiatique de la justice. C'est le lieu où le pouvoir politique et
économique défilent, dominant pour beaucoup de magistrats le temps
opportuniste avant le vrai sens de la justice.
-
Une pratique politique malheureuse consiste à confronter différents
secteurs de la société. Le pouvoir judiciaire n’est pas
resté en dehors de cela. Ainsi, l'efficacité des magistrats est
mise en cause selon leur sympathie politique (certaine ou supposée)
et non pour leur travail.
-
En effet, la tâche fondamentale du pouvoir judiciaire réside dans
l'impartialité et le respect des garanties constitutionnelles en
vigueur dans un État de droit. Ainsi, les juges doivent être
évalués au cas où leurs jugements seraient conformes ou non à la
Constitution et aux lois, mais jamais pour leurs idées ou leurs
croyances.
-
Aujourd'hui c’est la valeur idéale Justice qui est attaquée.
Il est par contre très surprenant de constater sur ce sujet le silence de la presse française, ainsi que des juristes habituellement soucieux du respect de l’État de droit.
Casppa France, 30 mars 2019
1
Le procureur fédéral Carlos Stornelli (en charge de l’affaire
dite des cahiers de la corruption) ne se présente pas aux quatre
convocations d’un juge fédéral qui enquête sur une affaire
concernant un proche du procureur. N’importe quelle autre personne
aurait été amenée par la force devant le juge.
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