Les apprentis sorciers.
Malgré les leçons du passé, et de ceux
qui nous ont précédé, nous ne retenons décidément rien de l’histoire tragique. Il
n’y a rien de pire que ces mémoires officielles qui occultent les monstruosités
de l’un des protagonistes pour encenser l’autre. La guerre des années 70 en
Argentine fut sale à tous les niveaux, comme toutes les guerres. Mais c’est pourtant
dans un absolutisme de la mémoire reconstruite partiellement et de façon sectaire
que s’est enfermée le pays depuis la venue au pouvoir des Kirchner. L’avertissement
du philosophe et historien Tzevan Todorov était pourtant sévère déjà, en
2010, lorsqu’il déclarait à propos de la politique de « mémoire, vérité et
justice » : q’« une société nécessite de connaitre l’histoire,
pas seulement avoir une mémoire », et que la manière de présenter le
passé dans les lieux de mémoire argentins qu’il avait visité « illustrait
la mémoire de l’un des acteurs du drame, mais que « l’on ne pouvait
pas dire qu’il défendait efficacement la vérité, omettant des parcelles entières
de l’histoire ».
Alors que la crise politique, économique, sanitaire, sociale bat son plein dans le pays, la vice-présidente (qui au passage a récupéré le titre de Présidente au cours de la cérémonie officielle) n’a fait qu’appeler une fois de plus à la haine. Dans un sauf qui peut pathétique, elle utilise ad nauseam tous les ressorts de sa vieille politique d’Etat mémorielle hégémonique. Aujourd’hui, les ennemis de la Dame sont le Fonds monétaire international (FMI), Mauricio Macri (qui devrait être jugé selon les thuriféraires des droits de l’homme kichnéristes) et la justice. Notons au passage que l’on voit assez peu ce qu’ils venaient faire dans une cérémonie du souvenir, mais ainsi va la vie politique en Argentine, qui ne connait pas un jour de répit, une polémique chassant l’autre. La Campora, tout au sauvetage judiciaire de sa leader, met tout son poids dans la bataille et accentue la pression sur le Président en représentation qu’est Alberto Fernandez.
En ce triste anniversaire, un seul perdant : le pays. Tous les avertissements n’auront servi à rien. L’Argentine des Kirchner a fait le choix, par calcul politique, d’une mémoire décrétant les bons et les méchants, les coupables et les innocents, au mépris de l’histoire. Cette vision manichéenne est une catastrophe pour les argentins. Elle n’en finit plus de les ramener en permanence dans les années 70, pour les enfermer définitivement dans ce passé de la violence politique, sous couvert de mémoire. Le venin de la haine n’en finit plus de se répandre, et risque bien de ramener l’Argentine au bord du gouffre si rien n’est fait pour stopper cette folie dévastatrice.
Ainsi, tous les « jours de la mémoire » qui se succèderont n’y feront rien tant que le pays restera dans une telle posture consistant à faire croire que les uns sont irréprochables et n’ont agi que par pur désir du « bonheur pour tous », tandis les autres ont tous les torts. Les argentins doivent se ressaisir et se réapproprier leur mémoire, effacer les discours haineux et mensongers de ceux qui exploitent le passé dans le seul but de se maintenir au pouvoir, et se réconcilier avec eux-mêmes.
Casppa France, le 27 mars 2021.
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