France-Argentine : Des droits de l’Homme et prisonniers politiques à géométrie variable.

Quand les héritiers auto-proclamés du « siècle des Lumières » deviennent les promoteurs de sa liquidation.
Dans son ouvrage « Liquidation », l’auteur et professeur de droit public Frédéric Rouvillois décrit comment l’actuel Président de la République Emmanuel Macron entretient un lien étroit avec le Saint-simonisme, ce courant progressiste qui remonte au XIXe siècle, et comment ce lien étroit éclaire les choix de ce dernier. C’est ainsi que, selon Frédéric Rouvillois, « le sens caché du macronisme » résiderait dans « sa volonté de liquider les réalités anciennes afin de leur substituer, sur tous les plans, un nouveau monde ».
Si l’on s’en tient au domaine des droits de l’Homme, on ne peut qu’être surpris par cette coïncidence, entre la destruction systématique des valeurs universelles qui ont façonné la France post-révolutionnaire pour lui substituer une nouvelle réalité : celle des droits à géométrie variable, réservés à quelques privilégiés. Et dans ce domaine, c’est peu dire que ces néo-saint-simonien, porteurs d’une nouvelle religion chargée d’éliminer le « vieux monde », ont fait merveille. Les grands principes reçus en héritage ont été abolis au bénéfice d’une politique de postures et d’indignations sélectives, soit un retour à une justice digne de la fable des « animaux malades de la peste » de Jean de la Fontaine.
Dans ce nouveau monde, des gens comme Mario Sandoval sont «des gens qui ne sont rien ». A contrario, les « jeunes idéalistes » et autres « révolutionnaires romantiques » sont assimilés aux « forces du progrès ». Dans ce nouveau monde qui aspire à liquider l’ancien, les frontières tant physiques que morales sont abolies, pour donner lieu à un nouvel ordre sans frontières ni barrières, où le bien et le mal sont inversés :
- pour Mario Sandoval, de nationalité française et argentine, parfaitement intégré depuis 35 ans, ayant rendu des services à la France et ayant un casier vierge, les autorités ont décidé de l'extrader loin de sa famille en inventant une règle de droit qui n’existait pas pour le livrer à un pays (l’Argentine), qui utilise ce qui est partout ailleurs interdit1 dans une affaire politique montée de toutes pièces à partir de faits supposés vieux de 45 ans, dans lesquels sa participation avait été écartée après investigation, faisant aujourd'hui de lui un prisonnier politique2.
- pour les membres des brigades rouges réfugiés en France, jugés et condamnés en Italie pour des actes terroristes sanglants dans les années 70, les autorités françaises décident que leur extradition porterait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect d’une vie privée et familiale, et refusent de les y renvoyer pour être rejugés ou purger leur peine, préjugeant ainsi négativement la justice italienne, pourtant soumise aux mêmes règles de la CEDH que la France.
- pour le terroriste chilien Ricardo Palma Salamanca, jugé et condamné dans son pays pour l’assassinat du sénateur Jaime Guzman, et arrivé clandestinement en France avec sa femme Silvia Brzovic après s’être échappé de la prison où il purgeait sa peine, les autorités françaises leur octroient l’asile politique.
- pour la ressortissante française, Marie-Emmanuelle Verhoeven, accusée d'être membre d’un groupe terroriste et arrêtée en Inde à la demande du Chili en vue d’une extradition pour y être jugée pour sa supposée participation à l’assassinat du sénateur Jaime Guzman, les autorités françaises sont intervenues auprès des autorités indiennes pour la faire rentrer en France. Elle n’a depuis pas été jugée pour le crime dont elle était accusée.
- pour les français, membres de l’État islamique qui ont combattu et attaqué la France, les autorités françaises ont décidé de les rapatrier afin de protéger leurs droits et leur assurer les garanties d’une justice respectant les droits de l’Homme.
- pour de nombreux ex-combattants des groupes terroristes argentins , les autorités françaises leur ont octroyé le statut de « réfugiés politiques » en France, bien que plusieurs d’entre eux soient responsables de crimes et délits contre des ressortissants français et européennes, et n’ont jamais été jugés ni en Argentine ni en France.
- pour les familles des victimes françaises du terrorisme en Argentine, les autorités françaises ne les ont jamais été reconnues ni encore moins reçues, alors que les familles de disparus ont elles un accès permanent aux plus hautes autorités, allant même jusqu’à leur réclamer de s’ingérer dans les affaires internes d’Argentine contre les supposées politiques « négationnistes » du président Milei avant la visite du Président Macron en Argentine.
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Emmanuel Macron et sa femme à l'Eglise de la Santa Cruz de Buenos Aires en 2024. |
Alors que la justice argentine viole les droits de centaines d’anciens agents de l’État dont la moyenne d’âge est de 80 ans en les maintenant en détention préventive sans limite de temps et dans des conditions sordides, les autorités françaises se taisent, réservant leur compassion aux seuls « jeunes idéalistes ».
A force de postures à géométrie variable, les droits de l’Homme ont été liquidés par ceux-là même qui n’ont eu de cesse de s’y référer, en ne les réservant qu'à quelques « happy few » qui peuvent être utiles.
Quand par contre Mario Sandoval croupit en prison pour un crime qu’il n’a pas commis (arrêter un homme sans autorisation des autorités) après un procès arbitraire violant toutes les garanties procédurales, la France n’y trouve rien à redire et ne réagit pas, au nom du « pas d’ingérence dans les affaires de justice interne d’un autre pays». Mais quand les nouvelles autorités argentines décident de mettre un frein à la dérive mémorielle orchestrée par les Kirchner, les néo-saintsimonistes s’en émeuvent et organisent la riposte, faisant alors peu de cas de la « non ingérence » dont ils se proclament quand ils ont besoin de justifier leur inaction et lâcheté.
Finalement, ces droits et indignations à géométrie variable se retrouvent encore dans l'actualité récente, avec le bateau pour Gaza intercepté par Israël : le Président Emmanuel macron a demande aux autorités israéliennes "le retour dans le plus bref délai des ressortissants français" tandis que son ministère des affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré que "dès l'arraisonnement du navire, nous avons demandé à pouvoir exercer notre protection consulaire à leur égard".
On aurait aimé un tel empressement dans le cas de Mario Sandoval, qui a dû attendre plus d'un mois la visite d'un représentant de la France alors qu'il subissait des traitements indignes et dégradants en détention en Argentine. Faut-il être exclusivement révolutionnaire de gauche pour que les néo-saintsimonistes au pouvoir respectent et fassent respecter vos droits?
Le Comité d’aide et solidarité avec les Prisonniers Politiques en Argentine a choisit de défendre les droits de l’Homme pour tous. Les thuriféraires de la liquidation, non.
Paris, le 9 juin 2025 (actualisé le 10 juin).
Casppa France.
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1- dans les procès des anciens agents de l’État des années 70 que la justice argentine appelle de « lèse-humanité » pour justifier le recours à la rétroactivité pénale, les juges utilisent la responsabilité pénale collective, l’analogie pénale, la prison provisoire illimitée pour tous les accusés, en ayant recours à des témoins qui ont préalablement été formés pour faire leur déclaration dans un système mis en place par le gouvernement, et que les représentants de la défense ne peuvent contredire ou interroger, afin de ne pas les « re-victimiser », même quand leurs témoignages sont aberrants ou mensongers. Tous ces procédés sont interdits tant en France que dans les pays membres de la CEDH.
2- Voir la définition de prisonnier politique définie par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution 1900 :https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=19150
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