Le journal Le Monde et la condamnation de Mario Sandoval en Argentine(1) : remettre les faits à l’endroit.
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Mario Sandoval |
Qu’il semble lointain le temps où le journal du soir analysait les faits comme ils étaient, et non comme il voulait qu’ils paraissent. Quand le journaliste Paulo Antonio Paranagua abordait tous les sujets de la région, et notamment de l’Argentine. Avec recul, sans pour autant renoncer à ses idées et convictions, mais en pointant du doigt les problèmes : la corruption qui entachait le gouvernement Kirchner et les organisations chargées de défendre les droits de l’homme, les dysfonctionnements de la justice argentine, qu’il qualifiait de « justice vengeresse » après la décision de rouvrir les procès des années 70 (seulement pour les agents de l’État, non pour les membres des groupes armés), ou encore traitait du « révisionnisme argentin » imposé par le couple Kirchner après son arrivée au pouvoir.
Aujourd’hui, il semble que le révisionnisme argentin ai fait des émules, jusque dans les rangs du journal parisien le Monde. Plus qu’un simple tropisme, la «version simple du passé, avec des bons et des méchants2», a pris le pas, oubliant, comme le mentionnait Tzvetan Todorov de retour de son voyage en Argentine3 en 2010, que « C’est l’Histoire qui nous aide à sortir de l’illusion manichéenne dans laquelle nous enferme souvent la mémoire, la division de l’humanité en deux compartiments étanches, bons et mauvais ».

Pour Angeline Montoya, Mario Sandoval est assurément dans le camp des mauvais. Et ce parti pris date de bien avant son procès, s'érigeant en procureur sans aucun respect de la présomption d'innocence. Les nombreux écrits et demandes de droits de réponse (refusés) qu’il a déposé à la suite de ses publications importent peu. Peu importe aussi que les procès que la justice argentine appelle de lèse-humanité ne présentent aucune garantie procédurale, ne respectent pas le droit de la défense, que la garantie de délai raisonnable n’existe pas, que la rétroactivité pénale et l’inversion de la charge de la preuve soient la règle, aboutissant finalement à ce qu’une personne pointant du doigt autrui puisse la faire condamner pour le restant de sa vie sur la seule base d’une accusation. Mais cela importe peu à la militante-journaliste, qui n’est d’ailleurs pas chroniqueuse judiciaire, et semble attacher peu d’importance à quelques principes de droit pénal, comme celui du respect du droit à la présomption d’innocence par exemple, ou celui du droit à un procès équitable, avec des juges impartiaux.
En l’occurrence, le procès de Mario Sandoval en première instance était un simulacre de procès, et l’instance de recours, n’a fait que répéter la sentence initiale, sans analyser ni confronter aucun des éléments de preuve présentés par la défense comme on est en droit de l’attendre d’un tribunal impartial. Il faut dire qu’en publiant la sentence de 118 pages seulement une semaine après l’audience, on comprend qu’elle a été rédigée à l’avance, sans même prendre la peine d’écouter la défense du requérant. Mais de cela, vous n’en lirez pas un mot. Madame Montoya et ses amis militants n’ont cessé de relayer les mensonges soutenus par les personnes qui se sont présentés comme « témoins » sans jamais les mettre en doute ni les confronter à ceux recueillis dans l’enquête judiciaire de 1976, et alors que Mario Sandoval les a toujours démentis4. Preuve s’il en est que l’adage « Mentez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » reste d’actualité, puisque ces mensonges répétés à l’envie depuis 2012 ont été considérés comme des « preuves » par les juges fédéraux argentins, alors qu’ils sont totalement contradictoires avec les éléments du dossier judiciaire, mais les règles imposées dans ces « procès » interdisent de les mettre en cause, afin de ne pas « revictimiser les victimes ».
Mais alors que Madame Montoya ne voit rien à redire de cette justice politique et arbitraire, de nombreuses voix dénonçant les faux témoignages et la justice « néo-inquisitoriale » commencent à se faire entendre en Argentine. Comme l’a écrit récemment l’avocat pénaliste argentin Nicolas Mendive dans un article publié dans le journal Infobae5 : « Si l’on n’est pas plongé dans ce genre de situations que donne l’exercice du droit pénal, on penserait qu’il s’agit d’une exagération, un cas isolé, mais malheureusement c’est devenu extrêmement courant. »
Personne ne devrait se réjouir d’une telle régression de la Justice, surtout pas au nom de supposés « Droits de l’Homme ». 860 prisonniers accusés de « crimes contre l’humanité », âgés et malades sont morts dans les geôles argentines, après avoir passé de longues années en détention provisoire illégales, car « présumés coupables ». Est-ce là la conception de la justice que défend madame Montoya ?
Depuis 20 ans, quiconque s’écarte de la « doctrine » édictée par les gouvernements Kirchner, les associations dites de droits de l’Homme et leurs alliés de « Justice légitime6 », le paie très cher. Tous les magistrats ont en mémoire les procès politiques et menaces exercées à l’encontre de magistrats de la Cour Suprême par le couple Kirchner à leur arrivée au pouvoir,7 dont le parti politique s’est arrogé, grâce à une réforme8 du Conseil de la magistrature la prérogative (illégale) de nommer les juges. Nul n’oublie non plus à Buenos Aires les pressions exercées sur le procureur Luciani, en charge de l’affaire Vialidad, sans parler de la mort suspecte et non élucidée à ce jour du procureur Nisman, la veille de révélations qu’il devait faire concernant les Kirchner9. En Argentine, peu de magistrats reconnaissent les pressions, tant l’omerta continue de régner.
Mais cela, vous ne le lirez pas sous la plume de Madame Montoya, qui préfère relayer des mensonges et alimenter les lecteurs de son tropisme pour la mémoire officielle Kirchneriste, d'où les victimes du terrorisme ont été purement et simplement effacées. Mais il paraît qu’à la rédaction de « Le Monde », l’omerta règne aussi sur cette face cachée de l’histoire.
Casppa France,
Le 17 décembre 2024.
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1. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/11/la-cour-de-cassation-argentine-confirme-la-condamnation-a-quinze-ans-de-prison-de-mario-sandoval_6442703_3210.html
2. Selon la définition qu’en a donné l’essayiste argentine Beatriz Sarlo, le révisionnisme argentin imposé par les Kirchner propose « une version simple du passé, avec des bons et des méchants, des peuples et des élites opposés dans une guerre prolongée wagnérienne ».
3. Voir l’article publié dans le journal El Pais à son retour de voyage, en décembre 2010 : http://www.elpais/articulo/opinion/viaje/Argentina/elpepiopi/20101207elpepiopi_11/Tes
4. Voir les différents articles publiés sur ce blog, et notamment la demande de droit de réponse adressée au journal le Monde : https://www.casppafrance.org/2022/12/reponse-de-mario-sandoval-larticle.html
https://www.casppafrance.org/2023/11/les-mensonges-et-la-manipulation-comme.html
https://www.casppafrance.org/2023/11/derecho-replica-publico-al-diario.html
5https://www.infobae.com/opinion/2024/12/13/la-balanza-desequilibrada-presuncion-de-culpabilidad-en-tiempos-de-denuncias-falsas/
6Selon leur site internet, Justicia Legítima s’auto-définit comme « une association civile qui premeut une justice indépendante et transparente en Argentine », mais est connue en Argentine comme un groupe de magistrats militants, très proches du parti de Mme Kirchner, qui s’est par ailleurs arrogé la prérogative des nominations.
7A son arrivée au pouvoir, le Président Nestor Kirchner a impulsé un procès politique contre tous les membres de la Cour Suprême de Justice. Il a notamment destitué le juge Eduardo Moliné O'Connor, à qui la CIDH, 20 ans plus tard et à titre posthume, a demandé à reconnaître la violation de ses droits et la condamnation de l’État argentin.https://www.clarin.com/politica/cidh-fallo-argentino-destitucion-eduardo-moline-connor-juez-corte-suprema_0_wcvMKrMEr0.html
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